Histoires d'eau

La présence de l’eau constitue une des richesses essentielles du domaine national de Saint-Cloud, permettant la profusion des fontaines, bassins et cascades, utilisant l’eau de manière ingénieuse et théâtrale. 

L’ensemble du système hydraulique possède un caractère historique remarquable comme témoin du savoir-faire technique des XVIIe et XVIIIe siècles. Les jeux d’eau, ainsi que l’aménagement des jardins, résultent de l’exploitation savante du paysage et de la topographie, associant les connaissances des fontainiers florentins du XVIIe siècle et le génie de la mise en scène des jardins d’André le Nôtre.

   

   

Pour fonctionner, les fontaines et les jeux d’eau du domaine ont entraîné la création d’un système d’alimentation dont la construction et l’agrandissement se sont déroulés tout au long du XVIe siècle au XVIIIe siècle. Ce réseau complexe et ingénieux repose sur la combinaison de plusieurs ressources tout en étant strictement gravitaire. Son aménagement a été favorisé par les prédispositions naturelles du site : la présence de l’eau et le fort dénivelé du terrain. Les travaux réalisés ont permis de répondre à plusieurs impératifs : le stockage de l’eau, l’amélioration de la ressource, l’obtention d’une pression suffisante pour la réalisation des jeux d’eau.

   

L’origine de l’eau

L’origine de la ressource en eau repose sur la présence d’un cours d’eau, le ru de Vaulichard, en provenance de Vaucresson, qui traversait le domaine de Villeneuve puis le parc. Son tracé naturel correspondait à l’emplacement actuel du jardin de Valois, des 24 Jets, du bassin de Saint-Jean et du Grand Jet. A partir d’un certain point, il était dévié de son lit d’origine et canalisé.

L’apport en eau était également fourni par plusieurs sources présentes sur le site à proximité du château. La source de la Reine ou source d’Aulnay était utilisée pour approvisionner la demeure en eau potable. Elle existe toujours, sous la terrasse du château, et alimente le bassin du Fer à Cheval. La source du Gros Bouillon est située derrière le bassin du Gros Bouillon, qu’elle dessert toujours. Trois autres sources existent toujours mais ne sont plus raccordées au réseau. 

  

En 1679, Louis XIV offre à Philippe d’Orléans la propriété du financier Pierre Monnerot, actuelle mairie de Sèvres. Pour faire fonctionner les jeux d’eau et la cascade de son jardin, Pierre Monnerot utilisait les eaux d’une fontaine dite Fontaine de Ville-d’Avray, l’actuelle Fontaine du Roy. Monsieur dispose donc à partir de cette date d’un accès à une nouvelle source d’approvisionnement, les eaux provenant du bassin versant de Ville-d’Avray. Pour conduire cette eau de Ville-d’Avray jusqu’à l’intérieur du parc, la construction d’un aqueduc permettant de franchir le plateau est nécessaire. Il est achevé en 1688.

Le réseau hydraulique du ru de Vaulichard (branche nord) a été déconnecté dans les années 1960, en raison de problèmes de pollution et d’urbanisation. Le réseau de Ville-d’Avray (branche sud) assure désormais seul l’approvisionnement en eau brute et s’écoule toujours vers la Seine.

    

Le fonctionnement des jeux d’eau

L’animation des bassins est le résultat de la seule force de gravitation canalisée par le système hydraulique élaboré il y a trois siècles.

La mise en œuvre des jeux d’eau pendant une heure demande un volume d’eau de 1500 m3, c’est à dire beaucoup d’eau en très peu de temps. L’eau provenant du ruissellement pluvial, variable au fil des saisons, il n’est pas possible de fournir 1500 m3 à la demande sans stockage. C’est le rôle des étangs de Ville-d’Avray. Le ruissellement des eaux de pluie en forêt est conduit par des rigoles et des aqueducs souterrains jusqu’aux étangs, où elles sont stockées. Le volume d’eau est de 36600 m3 dans le petit étang et de 77700 m3 dans le grand étang, soit au total un peu plus de 114000 m3 de réserve. 

 

    

Un aqueduc recueille l’eau des étangs de Ville-d’Avray et l’achemine jusqu’au Grand Réservoir situé sur les hauteurs du domaine. Le volume d’eau dans le Grand Réservoir est de 18800 m3. Il est 5 à 6 fois plus petit que celui des étangs de Ville-d’Avray. Du Grand Réservoir partent des canalisations équipées de vannages pour envoyer l’eau soit vers les jeux d’eau, soit vers le système d’arrosage. 

 

    

C’est le dénivelé important du terrain jusqu’au front de Seine, 76 mètres entre le point le plus haut et le plus bas, distants de 1,1 kilomètres, qui a permis l’installation en écoulement gravitaire du système, dans lequel tous les bassins sont interdépendants pour leur alimentation et leur fonctionnement.

Au fil des dénivellations abruptes des jardins, l’eau acquiert une pression naturelle. L’ouverture manuelle des vannes la fait cheminer de la Grande Gerbe aux bassins des 24 Jets, passer par la fontaine des Chiens et l’allée des Goulottes pour jaillir à près de 30 mètres au Grand Jet et terminer sa course dans le bouillonnement de la Grande Cascade, avant de se perdre dans les exutoires en bordure de Seine.

Ce réseau unique conserve une grande partie de ses éléments originels, canalisations en plomb ou corrois d’argile assurant l’étanchéité du Grand Réservoir et des bassins. Une fois la saison des grandes eaux terminée, les conduites sont vidangées. Les vannes au droit des départs sont fermées, les vannes au droit des arrivées sont ouvertes. Les eaux résiduelles dans les conduites sont évacuées par les robinets de vidange. Les bouches des jets sont démontées.

    

Gerbes, bouillons et goulottes…

Le visiteur qui se promène doit être surpris devant chacun des bassins. Le vocabulaire de l’hydraulique rend compte de la diversité des jeux d’eau qui animent les jardins. La forme et les effets des jets sont déterminés par la configuration des ajutages ou bouches de fontaine.

Composé d’un orifice circulaire entouré de huit fentes rectangulaires, l’ajutage donne à l’eau sous pression la forme d’une gerbe, ou jet mousse, dessinant approximativement une fleur de lys. Le bassin de l’Orangerie, la Petite Gerbe et la Grande Gerbe forment ainsi une succession de gerbes de tailles croissantes, rythmant la grande perspective à l’ouest de la terrasse du château. 

 

    

Le centre des 24 Jets est occupé par un parterre d’eau, composition formée de plusieurs bassins disposés symétriquement, de manière à dessiner des figures géométriques, à l’image des parterres de compartiments garnis de végétaux. L’appellation 24 Jets provient quant à elle des deux bassins latéraux, comportant chacun douze jets, qui forment des grilles d’eau, alignements de jets verticaux plus ou moins rapprochés.

La goulette de jardin, dénommée allée des Goulottes à Saint-Cloud, est un petit canal maçonné en pente douce, coupé de distance en distance par des petits bassins accompagnés de jeux d’eau, dont le murmure donne une sensation de fraîcheur au promeneur.

 

   

Initialement baptisé bassin des Cygnes, le bassin du Fer à Cheval a été conçu à l’origine comme un miroir d’eau, aménagé dans une intention esthétique de reflet, afin de mettre en valeur la façade sud du château en surplomb. 

   

Un théâtre de cristal jaillissant

L’apogée du spectacle des jeux d’eau culmine avec la structure monumentale de la Grande Cascade, installée à flanc de coteau, qui multiplie les effets d’eau. Comparée à « un vaste et superbe théâtre de cristal jaillissant » dans une description de la fin du XVIIe siècle, elle est conçue comme un majestueux décor de scène, qui prend vie avec le fracas des eaux dévalant la pente.

Au couronnement de la cascade haute, le groupe sculpté figurant La Jonction de la Seine et de la Marne surplombe une succession de neuf nappes d’eau, dans lesquelles l’eau ruisselle le long d’une paroi verticale. Elles sont encadrées, de part et d’autre, par des escaliers d’eau, formés de degrés de même hauteur. Aux extrémités de la composition, deux torrents artificiels sont parsemés de faux rochers en rocaille destinés à faire écumer l’eau.

 

    

À côté des chutes d’eau, qui ruissellent par gravité sans pression apparente, l’animation est également produite par des jeux d’eau jaillissant sous pression, tels que les chandeliers d’eau, jets verticaux retombant dans des vasques sur pied, ou les bouillons, de faible hauteur, constitués de plusieurs arrivées d’eau qui forment un bouillonnement à leur sommet.

La cascade basse comprend une fontaine en buffet, fontaine adossée monumentale, constituée de vasques superposées en gradins. La cascade basse est également désignée sous l’appellation de Grandes Nappes, en raison des trois nappes d’eau qui assurent la transition entre la fontaine en buffet et le canal, grand bassin d’ornement étroit et allongé, rythmé par deux séries de jets verticaux.

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